اقتصاد Crise du Covid-19 et crise des subprimes 2008: Une comparaison... Par Lotfi TALEB & Habiba NASRAOUI BEN MRAD
Par Lotfi TALEB & Habiba NASRAOUI BEN MRAD
Dans quelle mesure la présente crise (Covid-19) est similaire ou non à celle des subprimes de 2008?
(1) Les causes :
Bien évidemment les points de ressemblance ou non, doivent être recherchés d’abord au niveau des causes, ensuite au niveau des mécanismes inhérents à chacune des crises pour déboucher sur une comparaison quant aux conséquences générées par chaque crise.
La crise 2008 était à la base une crise financière impliquée par la déconnexion de la sphère financière, de la sphère réelle, lorsque la valeur boursière des titres les plus convoités ne reflétait plus leur valeur réelle. Les effets économiques ne tardèrent pas à se faire ressentir avec comme effet déclencheur une faillite bancaire (qui reste une cause financière) accompagnée d'une crise immobilière, alors que la présente crise du Covid-19 est une crise plutôt sanitaire à effets économiques et sociaux (et peu probablement financiers).
Ainsi qu’il s’agisse des causes originelles, faits déclencheurs, voire les conséquences dont on ignore actuellement la portée, les deux crises, celle de 2008 et celle de Covid-19, sont totalement différentes. L'une est purement financière, en parlant de la crise de 2008, alors que celle du Covid-19 est plutôt sanitaire.
2) Les conséquences :
Les deux crises se ressemblent, en partie, et possèdent en quelques sortes un point commun, et ce, au niveau de leurs effets économiques. Les deux crises sont en effet susceptibles de générer les mêmes problèmes, à savoir une récession économique suivie par un effet négatif sur les variables économiques (inflation, chômage, croissance). Mais, et ce qui rend la présente crise (covid-19) plus grave, c'est qu'elle inclut en plus des pertes matérielles, des pertes humaines et dans ce cas on ne peut plus comparer réellement les deux crises du point de vue conséquences, du moment que les bases de comparaison ne sont plus identiques.
Donc empêcher une crise financière, qui succède cette fois à une crise sanitaire et éventuellement une crise économique, reste tributaire de la résistance des institutions financières, notamment les banques, mais aussi, de l'adaptation des places financières à une réalité nouvelle et leur capacité à anticiper les effets attendus.
Au final, comparer la crise de 2008 à celle de 2020 n'est pas encore justifié, du moment que ce qu'on observe aujourd'hui n'est qu'un début d'une récession économique et dont la transformation à une crise financière reste peu probable.
Mais, il faut noter que même si cette crise sanitaire ne se répercute pas directement sur la sphère financière, son effet indirect pourrait constituer une réelle menace. En effet, le monde en pourrait instaurer un nouvel ordre économique et pourrait remettre en cause le phénomène de mondialisation. Cette décision aura comme conséquence la création d'un monde moins connecté sur le plan financier et donc un rétrécissement du rôle des marchés financiers au profit d'un rôle plus important qui sera joué par les banques et donc, de de tous les risques qu'elles peuvent engendrer. Cette domination des banques sur le marché de financement, peut faire réveiller un ancien risque qui a causé la fameuse crise de 2008, le risque systémique !!!
3) Crise du covid-19 : quels scénarios possibles pour la Tunisie ?
- Niveau 1 :
C'est un niveau dépassé pour le cas de la Tunisie, il s'agit d'un scénario auquel nous avons été confrontés il y a juste deux à trois semaines, la gestion de la pandémie consiste simplement en une stratégie de confinement (de quarantaine). Il faut isoler, nettoyer, soigner et assainir. Les dégâts sont relativement limités et ne vont pas affecter durablement le fonctionnement de l'économie ou de la société.
- Niveau 2 :
Les effets toxiques de la pandémie se propagent largement à tous les réseaux vitaux. C’est le scénario que nous serions en train de vivre actuellement avec la transformation de la pandémie du Covid-19 en une crise économique avec des effets collatéraux qui touchent de plein fouet la sphère réelle. Les impacts sont globaux (chômage, récession, incapacité à créer suffisamment de richesse...) : on parle de "crise système". Le recours à la dette et au déficit public est souvent la seule solution immédiate pour faire face à la contraction des liquidités sur les marchés. Dans ce contexte, les États doivent user de leur pouvoir souverain pour apporter la caution de leur signature et acheter massivement la « paix sociale »
- 3. Niveau 3 :
La crise sanitaire, transformée en une crise économique se répand à d'autres secteurs et touche le secteur financier. Sous ce scénario, ce sont les banques, voire les compagnies d'assurance, qui bloquent le marché interbancaire, sous l'effet de faillites bancaires engendrant une rupture bancaire ou monétaire.
Nous serons alors sur un scénario d'effondrement général de la confiance qui se traduit par des retraits massifs et instantanés avec des effets collatéraux et surtout irréversibles dans l'économie réelle. Un tel scénario provoque une crise majeure aussi bien sur le plan national qu’international, et on assiste à la mise en faillite immédiate du pays.
Dans ce type de scénario, la priorité est de rétablir l'ordre public, l'État de droit et de remettre en marche les réseaux vitaux qui auraient été impactés par les événements et par la crise (transports, énergie, eau, télécoms, banques...).
La gestion de la crise, dans ce cas, relève beaucoup plus du domaine de la sécurité publique que de l'économique et suppose implicitement le renforcement de l'autorité et de l'intervention de l'État !!!
4) Les solutions pour la crise du covid-19 pour la Tunisie
Encore une fois, les solutions dans les deux crises ne sont pas identiques. La crise de 2008 était au départ une crise financière suivie par une crise économique, les solutions étaient d'ordre financier (baisse des taux d'intérêt, injection des liquidités, rachat des titres, ...) Suivies par des solutions économiques (ou sociales) (financement de l'économie, injection des liquidités, protection des classes sociales démunies...).
Quant à la crise du Covid-19, sa particularité c’est qu'en plus des solutions économiques classiques, il doit y avoir des solutions médicales ou sanitaires. Cette impérative implique que la gestion de la crise actuelle sort du cadre classique de la gestion des crises pour regagner un nouveau statut, celui d'une crise "sanito-économique" et c’est là où réside tout le problème. Le monde étant habitué seulement à gérer des crises économiques ou financières, mais non pas encore une crise de ce genre, les compétences acquises, le savoir nécessaire, ainsi que les moyens pour y faire face, lui manqueront certainement, du moins pour le temps que l’on s’y prépare, s’y adapte
Mais que doit-on faire face à cette crise ?
Comme solution, la gestion de la crise actuelle doit prendre en compte simultanément différents aspects (multidimensionnels), à savoir l'aspect sanitaire, économique, social et aussi financier. Des spécialistes, et experts, dans les différents domaines, disciplines sont appelés à collaborer, mettre leurs efforts à contribution, coordonner ensemble sous le commandement d’un homme satellite qui s'appelle : « un gestionnaire des risques ».
Le scénario qui reste à éviter dans cette crise, c'est avant tout, celui de la perte de contrôle causée par une propagation élargie du virus, au risque que cette crise sanitaire touche et se propage à la sphère financière.
Dans ce cas, et pour finir, nous pouvons affirmer et contrairement à ce que certains pourraient penser, que ce sont les petits pays qui en souffriront dans une moindre mesure. Ces derniers étant pour la plupart des pays à faible dominante industrielle, auront peut-être l’occasion de développer leurs véritables atouts, étant pour la plupart dotés d’un fort potentiel agricole et en matière d’exportation de plusieurs matières premières. Une éventualité à prendre au sérieux, pour transformer cette crise en une opportunité.